Droit Social - Principale mesures envisagées par les employeurs face aux répercussions liées au Covid-19

  • Le télétravail figure parmi les mesures que l’employeur peut prendre afin d’assurer la sécurité et la santé de ses employés au travail.

    Actuellement, le télétravail n’est pas régi par les dispositions du code du travail.

    A ce titre, on peut noter l’existence d’une divergence doctrinale relative au fondement textuel du recours au télétravail. En effet, pour une partie de la doctrine, il est possible de se fonder sur les articles 2, 8, 264 et 295 du code du travail ainsi que sur le décret n°2-12-262 se référant au travail à domicile et fixant les obligations de l’employeur en la matière, pour déterminer les conditions dans lesquelles un employeur peut recourir au télétravail. Il s’agit notamment de la position soutenue par le Ministère du Travail et de l’Insertion Professionnelle dans son guide à destination des employeurs et des salariés en relation avec le virus Covid-19. Un autre courant doctrinal considère toutefois qu’il n’est pas possible de se fonder sur l’article 8 du code du travail pour aborder la question du télétravail dans la mesure où cet article concerne le travail à domicile et a comme objectif principal de permettre d’établir une présomption de salariat dans le cadre d’un travail à domicile.

    En tout état de cause, le fait que le télétravail ne soit pas réglementé n’empêche pas l’employeur d’y recourir. En l’absence de réglementation, il n’est pas nécessaire que l’employeur obtienne l’accord du salarié pour le mettre en place. De ce fait, la consultation des partenaires sociaux n’est a priori pas non plus requise.

    Le télétravail peut donc être mis en place directement par l’employeur, par tout moyen, tels qu’une note de service, un email informatif destiné aux salariés, un avenant au contrat de travail, etc.

    Enfin, d’après la doctrine et notamment le guide du Ministère du Travail, le recours au télétravail par l’employeur est conditionné (i) au respect de l’ensemble des conditions d’hygiène et de sécurité par l’employeur et (ii) à la souscription d’une assurance contre les accidents du travail

    susceptibles d’intervenir à domicile.

  • Contrairement aux congés sans solde, un employeur peut imposer à ses salariés de prendre leurs congés payés acquis.

    L’article 245 du code du travail prévoit que « les dates du congé annuel sont fixées par l’employeur après consultation des délégués des salariés et, le cas échéant, des représentants des syndicats dans l’entreprise […] ».

    Il est aussi prévu qu’en cas d’accord avec les intéressés, la date de départ en congé annuel payé peut être soit avancée soit retardée, et ce en remplissant les formalités prévues par le code du travail.

    Par conséquent, après avoir consulté les partenaires sociaux, un employeur peut imposer à ses salariés de prendre des congés payés. Cette formalité est une simple consultation des partenaires sociaux, qui ne nécessite pas leur accord préalable.

  • Le code du travail marocain ne prévoit aucune réglementation à ce sujet. Ce dernier ne prévoit qu'un seul cas de congé sans solde : lorsqu’une salariée à la suite du congé maternité décide de ne pas reprendre le travail pour élever son enfant, pour une durée d’une année. En dehors de cette hypothèse, les congés sans solde doivent être discutés et expressément convenus par l’employeur et le salarié.

    Ainsi, l’employeur ne peut pas imposer à ses employés de prendre des congés sans solde. Une telle mesure ne peut être prise qu’à la suite d’un accord bilatéral, puisque cette décision relève de la liberté contractuelle entre l’employé et son employeur. En cas d'accord entre les deux parties, le contrat de travail n'est pas résilié mais suspendu. L'employé ne reçoit aucune rémunération de l'entreprise pendant la durée du congé.

    Enfin, il est important qu’une telle décision soit exprimée par écrit afin d’éviter toute éventuelle divergence d’interprétation par l’une des parties, qui pourrait conduire à un différend.

  • L’employeur peut décider de réduire le temps de travail de ses salariés, sous réserve du respect de certaines conditions.

    Dans son article 185, le code du travail n'autorise l'employeur à réduire la durée du travail de ses employés – qui entraîne donc une réduction de salaire –que pour se protéger d’une crise économique passagère, pour une période continue ou interrompue n'excédant pas soixante (60) jours par an et sous réserve de consultation des délégués des salariés et, le cas échéant, des représentants des syndicats.

    Aucune réduction au-delà de 60 jours n'est possible sans l'accord des partenaires sociaux précités. En l'absence d’accord, l'autorisation du gouverneur de la préfecture ou de la province est nécessairement requise.

    En tout état de cause, c'est le temps de travail effectif qui est rémunéré et ne peut en aucun cas être inférieur à 50% du salaire normal, sauf dispositions plus avantageuses pour l’employé.

  • Pour rappel, l’article 184 du code du travail prévoit que dans les activités non agricoles, la durée normale de travail des salariés est fixée à 2288 heures par année ou 44 heures par semaine. Cette durée peut être répartie librement par l’employeur sur l’année selon les besoins de l’entreprise à condition que la durée normale du travail n’excède pas 10 heures par jour.

    Les dispositions de l’article 196 du même code indiquent qu’il est possible de prévoir des heures supplémentaires dans des cas particuliers. En effet, notamment lorsque l’entreprise doit faire face à des travaux d’intérêt national ou à des surcroîts exceptionnels de travail, les salariés peuvent être employés au-delà de la durée normale de travail dans les conditions fixées par voie réglementaire.

    Le décret d’application n°2.04.570 fixant les conditions d'emploi des salariés au-delà de la durée normale de travail fixe les conditions dans lesquelles peuvent être appliquées les heures supplémentaires.

    En effet, l’article premier du décret prévoit que « les entreprises qui doivent faire face à des travaux d'intérêt national peuvent employer leurs salariés au-delà de la durée normale de travail pendant la durée d'exécution des travaux nécessaires, sous réserve des conditions suivantes :

    - la durée journalière de travail ne peut dépasser dix heures ;

    - la non suspension du repos hebdomadaire des salariés concernés ;

    - la non application des dispositions du présent article aux salariés âgés de moins de 18 ans et aux salariés handicapés ;

    - la notification, par écrit, à l'agent chargé de l'inspection du travail du motif justifiant l'application du présent article, selon chaque cas ».

    Les heures supplémentaires sont payées en même temps que le salaire dû, et sont majorées de 25 % si elles sont effectuées entre 6 heures et 21 heures pour les activités non agricoles et entre 5 heures et 20 heures pour les activités agricoles, 50 % si elles sont effectuées entre 21 heures et 6 heures dans les activités non agricoles et entre 20 heures et 5 heures pour les activités agricoles, 50 % à 100 % si elles sont effectuées le jour du repos hebdomadaire du salarié, même si l’employeur lui a accordé un repos compensateur. A noter que les heures supplémentaires ne peuvent dépasser 80 heures de travail par an pour chaque salarié et 100 heures si la nature de l’activité de l’entreprise l’exige et sous réserve de la consultation des délégués des salariés ou, le cas échéant, du comité d'entreprise.

  • Certaines entreprises pourraient envisager d’organiser le travail par roulement ou relais des équipes par exemple, soit en raison de l’augmentation de l’activité de production soit pour respecter les règles de distanciation et afin que les employés assurent à tour de rôle les fonctions essentielles de l’entreprise, lorsque le recours au télétravail n’est pas possible.

    L’organisation du travail par roulement ou par relais des équipes est prévue par les articles 187 et 188 du code du travail. Selon l’article 187, le travail par roulement ou relais est interdit sauf dans les entreprises où cette organisation est justifiée par des raisons techniques.

    Il est à noter que les raisons techniques permettant de recourir à ce type d’organisation ne sont pas définies par voie réglementaire. S’il ne fait pas de doute que ce type d’organisation peut intervenir pour les entreprises nécessitant par exemple de fonctionner en continu, la question se pose de savoir si l’employeur peut envisager de mettre en place un roulement des employés pour assurer les fonctions essentielles de l’entreprise, lorsqu’il n’est pas possible de recourir au télétravail. Au vu du contexte actuel exceptionnel, une telle solution paraît envisageable mais sa mise en œuvre doit être appliquée avec prudence en l’absence de base légale permettant de s’assurer de sa légalité.

    En tout état de cause, l’employeur qui souhaite organiser par roulement ou relais le travail de ses équipes est, conformément à l’arrêté du ministre de l'emploi et de la formation professionnelle n° 341-05 fixant les modalités d'application des articles de 187 à 192 du code du travail, notamment tenu de :

    - consulter les délégués du personnel ou du comité d'entreprise, le cas échéant, ;

    - indiquer la durée du travail modifiée ou les heures supplémentaires ou récupérées ;

    - afficher le programme adopté pour l’organisation du travail dans un lieu fréquenté par les salariés ou dans le lieu où les salaires leur sont habituellement versés ;

    - informer par écrit l'agent chargé de l'inspection du travail de ce programme.

    Enfin, selon l’article 188 du code du travail, en cas d'organisation du travail par équipes successives, la durée de travail de chaque équipe doit être continue mais ne peut excéder huit heures par jour. Une interruption pour le repos est possible sous réserve de ne pas dépasser une heure.

  • Un employeur peut envisager de recourir au licenciement pour motifs économiques sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions dont notamment l’obtention d’une autorisation du gouverneur de la préfecture ou de la province. A défaut, le licenciement sera considéré comme abusif. Le licenciement pour motifs économiques est régi par les articles 66 et suivants du code du travail. Il est soumis au respect par l’employeur de certaines conditions :

    - Il ne peut être envisagé que dans les entreprises commerciales, industrielles, dans les exploitations agricoles, forestières et leurs dépendances ou dans les entreprises d'artisanat, occupant habituellement au moins 10 salariés (en-dessous de 10 salariés, le code du travail est muet) ;

    - Au moins un mois avant de procéder au licenciement, la décision de licenciement doit être portée à la connaissance des délégués des salariés (ou, dans les entreprises employant habituellement plus de cinquante (50) salariés, au comité d’entreprise qui se substitue aux délégués des salariés dans le cadre de cette concertation) et, le cas échéant, des représentants des syndicats de l’entreprise. L’employeur doit fournir tous les renseignements nécessaires, y compris les motifs du licenciement, le nombre et catégories de salariés concernés et la période dans laquelle le licenciement sera entrepris ;

    - Ce dernier doit engager des concertations avec les partenaires sociaux précités pour examiner les mesures alternatives susceptibles d’empêcher le licenciement ou atténuer ses effets négatifs, et ce, en envisageant également la possibilité de réintégrer dans d’autres postes les salariés dont le licenciement est envisagé. Un procès-verbal devra être établi et signé par les deux parties. Une copie doit être adressée aux délégués des salariés et une autre au délégué provincial chargé du travail.

    - La demande de licenciement doit ensuite être adressée par l’employeur au délégué provincial chargé du travail, accompagnée des justificatifs et du procès-verbal. De plus, en vertu de l’article 67 du code du travail, la demande de licenciement pour motifs économiques doit être accompagnée, outre les documents précités, des justificatifs suivants :

    • un rapport comportant les motifs économiques, nécessitant l'application de la procédure de licenciement ;

    • l'état de la situation économique et financière de l'entreprise ;

    • un rapport établi par un expert-comptable ou par un commissaire aux comptes.

    - Le licenciement est subordonné à l’obtention d’une autorisation délivrée par le gouverneur de la préfecture ou de la province dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de la présentation de la demande par l'employeur au délégué provincial chargé du travail.

    En cas de licenciement pour motifs économiques, les conséquences pour les salariés licenciés sont les suivantes :

    - Ils bénéficient des indemnités de préavis et de licenciement « en cas de l’obtention ou non par l’employeur de l’autorisation de licenciement » (Article 70 du code du travail) ;

    - Ils ont une priorité en cas de réembauchage par l’employeur en cas de licenciement autorisé par les autorités.

  • La question se pose de savoir comment l’employeur d’une entreprise employant habituellement moins de 10 salariés peut mettre en œuvre l’une des mesures susmentionnées, notamment lorsque le code du travail prévoit la consultation préalable ou l’accord des partenaires sociaux.

    En réponse à cette question, une partie de la doctrine considère qu’en l’absence de partenaires sociaux, il faudrait obtenir l’accord de chacun des salariés concernés par la mesure envisagée par l’employeur lorsque la mesure a pour effet de modifier les conditions du contrat de travail.

    Par ailleurs, selon l’article 431 du code du travail, pour les établissements employant moins de dix (10) salariés permanents, il est possible de procéder à la mise en place de délégués des salariés, aux termes d'un accord écrit.

    Ainsi, ces entreprises peuvent mettre en place des délégués des salariés et procéder à leur élection par simple accord écrit des salariés.

 
Laila Slassi

Laila Slassi

Salma El Jazouli

Amélia Marques

 

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